THE GURLZ BLUNT THEORY                    HOME           NEWSLETTER         CONTACT              ABOUT 

Cyclik Cirkus 2022 


Je suis là, en résidence à Vitry Aux Loges, Y'a Mathilde, Elora, Anne. C'est doux. Entre femmes, on s'accompagne, on s'abreuve de pensées féministes... et tiens Julie Crenn fait une intervention au frac d'Orléans sur l'éco féminisme. Un heureux hasard ou juste les astres qui s'alignent ?

Elle y présente notamment une vidéo de Sonia Charbonneau ‘'La belle créole'' - 2016. Un choc esthétique, on y voit les jambes d'une femme qui marche péniblement sur une plage de galet, perchée sur des talons hauts roses fluos contrastant avec l'austérité environnante.

Ça me parle tellement… J'ai en tête des milliers d'images qui défilent. Ni une ni deux je file sur internet pour me renseigner sur l'artiste et sur cette fameuse vidéo et je tombe sur un texte de Julie C. J'en pleure, j'avais tout compris en fait.

Là j'ai des images en HD qui défilent derrière mes yeux, des souvenirs en pagaille de la rue princesse qui a tellement marqué ma vie à Bamako et qui m'a fait écrire ce projet il y a quelques mois ‘'Antoine''.

Un projet de film pensé pour un de mes étudiants, dans l'école où j'enseigne la sérigraphie : Antoine. Je l'imagine marcher, en cuissarde en vinyle dans les rues de Paris, un plan séquence long, hypnotique, doux et violent à la fois. Une révérence aux papillons de nuits qui arpentent la rue bamakoise.

Cette soirée est importante pour moi. Arrivée ici en pleine crise existentille, pour la première fois depuis que j'ai commencé mes études, je n'ai plus confiance en moi. Ça fait plusieurs mois que j'ai peur de créer, j'ai même peur d'avoir des idées, j'ai envie de tout plaquer…

A mes premiers jours ici, j'étais plus bas que terre, le premier jour j'ai pleuré toute la journée, me retrouvant seule face à moi-même, tétanisée à l'idée de devoir imaginer la suite et impossible de mettre les mots sur mon état.

Quand je suis arrivée dans cette résidence, y'avait Samuel et Inès. Samuel il est sympa, c'est un super allié, mais quand il est parti et qu'il ne restait plus que Mathilde et sa douceur magnétique, Anne et sa fougue travailleuse, Elora et sa puissance fatale, je me suis alors lovée dans ce que nous formions d'un quatuor féminin. Je me suis laissée bercée par nos longues discussions.

4 n'est pas un chiffre anodin pour moi. Nous sommes quatre sœurs dans ma famille, je suis la deuxième. Ici je retrouve cette sensation de sororité. Je me sens en confiance, je me sens comprise, protégée, écoutée par mes consœurs du milieu de l'art. Ça faisait longtemps, très longtemps que je n'avais pas ressentie cette sensation d'être comprise. Ça fait du bien.

Alors ce soir, quand nous sommes revenues du FRAC Centre, y'avait plus Elora, elle a été remplacée par Camille et Fanny, des douceurs aussi. J'ai alors repensé à ce texte que j'avais commencé à écrire au début de mon projet du palais de Tokyo, quand le covid n'avait pas encore pointé son nez, que nous ne vivions pas à coup de confinements, de masques et de gel hydro alcoolique. Ce texte qui s'appelait ‘'The Gurlz Blunt Theory'' et qui n'a jamais dépassé le stade de l'embryon car je me suis laissée couper dans mon élan par le premier confinement qui m'a vu voir décaler l'exposition en fin 2021. Cette exposition que j'attendais tant, mais qui m'a créé tant d'anxiété.

Alors aujourd'hui, et ce depuis longtemps, je retrouve l'envie de créer. Je veux continuer ce texte, finir la théorie du Gurlz Blunt, car si ce que je viens de vivre n'est pas sous son emblême, qu'est-ce ?

— Aïda Bruyère